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Le fonds Jean Roché au Muséum National d'Histoire Naturelle

Crédit: Jean Roché

Le Muséum national d'histoire naturelle intègre désormais le fonds Jean Roché. Ce fonds représente plusieurs centaines de DAT et de bandes analogique représentant 4.000 heures d'enregistrement et produit plus de 200 ouvrages audio, dont une centaine sur CD.

Chacun peut commencer à en trouver des exemples sur la base de la sonothèque. Nous en sommes au début du traitement. Il faut en effet numériser cet ensemble considérable. Nous avons trouvé un accord avec le Muséum de Berlin pour la numérisation des bandes analogiques.

Pour ceux qui ne connaissent pas ce bioacousticien, je lui ai demandé une note sur sa vie et son expérience.

Je suis né à Boulogne-Billancourt, le 11 mai 1931, ce qui me fait 89 ans aujourd’hui, où j’écris, pour vous, cette note que le Muséum de Paris m’a demandée.

Enfant, j’ai habité à l’orée du Bois de Meudon, qui était encore très sauvage ! Ma famille était artiste, mon père, collectionneur d’art et écrivain (« Jules et Jim »). Dès ma petite enfance, l’école Montessori, où j’allais à pied, m’a beaucoup aidé à développer mon amour de la nature, et mon goût de l’observation. J’ai fait un herbier avec ma mère à 6 ans, puis une collection de papillons vers 10 ans, avant de remplir, vers 15 ans, ma chambre d’aquariums et de terrariums pour élever poissons, grenouilles, tritons et salamandres, sans oublier une cage pour les serins.

C’est vers 23 ans que sont apparues les premières caméras Pathé-Webo de 16 mm. Enthousiasmé à l’idée de pouvoir filmer quelques scènes de vie des insectes, si bien racontées par J. H. Fabre, dans les «  Souvenirs Entomologiques » - mon livre préféré - je décide d’abandonner mes études de psychologie à la Sorbonne, et j’achète une caméra. J’ai pu me la payer avec le prix des crapauds et grenouilles que le biologiste Jean Rostand, mon voisin de Ville d’Avray, me commandait pour ses expériences.

Aussitôt, je pars en Provence, et je film les insectes pendant deux ans. Puis je monte à Paris, avec mes bobines de films sous le bras. Jean Painlevé m’accueille au Festival du Film Scientifique de Paris, au Grand Palais. Paris Match me consacre 10 pages ! Et François Truffaut gonfle mes rushes de 16 mm en 35 mm, et en fait un documentaire : « Vie d’Insectes » , qui obtiendra ensuite le Grand Prix du Court Métrage.

Bon début !

Mais filmer n’est pas mon truc, ça ne me convenait pas vraiment. C’est un travail visuel, alors que les chants d’oiseaux me passionnaient depuis si longtemps ! Je décide donc de vendre ma caméra et d’acquérir un matériel d’enregistrement, tout nouveau sur le marché : enregistreur Radio Star, deux rouleaux de 100 mètres de câbles micro de ma fabrication, un accu de voiture et son transformateur : 80 kilos !! La 2 cv paternelle me permet de retourner dans le midi.

Nous sommes en 1956, j’ai 25 ans. Et aucune idée de ce que je vais faire ! Sauf que… je suis bien décidé à enregistrer, enfin, les chants d’oiseaux !

Je choisis de travailler tout le printemps et l’été en Camargue, j’apprends ce nouveau métier sur le terrain. À l’automne, je monte de nouveau à Paris, avec cette fois des bandes son sous le bras. Je contacte tous les producteurs de disques de l’annuaire !

Un seul accepte de me recevoir : André CLERGEAT, de la firme PACIFIC.

Il veut faire un petit 45 tours, et moi, naturellement, un grand 33 tours ! Finalement, c’est le compromis : un 25 cm 33 tours, titre : « Oiseaux de Camargue ». J’y mets le meilleur de mes prises de son du printemps, le montage est fait dans un studio parisien. Je découvre !

Puis je retourne passer l’hiver dans le midi.

À mon grand étonnement, Pacific me prévient que les ventes ont été excellentes, et que mon disque a obtenu le Grand Prix de l’Académie Charles Cros ! Et me demande de continuer la série… j’ai donc fait 3 disques noirs de 25 cm de plus, dans les 2 années suivantes. Puis PACIFIC disparaît…

De passage à Paris, j’allais régulièrement voir mes copains du CRMMO.

J’allais aussi voir Jean DORST, j’ai eu très vite son soutien et son amitié. Mais c’est Robert-Daniel ETCHECOPAR qui m’a donné le bon conseil : « Roché, vous faites des sons de qualité, c’est très sympathique, mais vous devriez inscrire votre travail dans une démarche scientifique et éducative. Par exemple, faire un guide sonore complet des chants et cris des oiseaux d’Europe, qui puisse servir à l’identification ».

Cet excellent conseil fait immédiatement tilt dans ma tête ! Dès le lendemain, je me mets à préparer l’édition de mon premier « Guide Sonore des Oiseaux d’Europe », une collection de 27 petits 45 tours, dont chacun est consacré à une famille : Alouettes, Merles et Grives, Bruants, Rapaces nocturnes, etc…

Toute ma vie, j’ai poursuivi dans cette voie : 1981, un Guide Sonore des Oiseaux d’Europe, le « Walkbird » en 2 cassettes ; 1993, un autre, en coffret de 4 CD ; et enfin, « Le Coffret Ornitho », cris et chants de 481 espèces, en 2001. Toujours disponible, et très utilisé ! Ainsi, mes contacts amicaux avec le CRMMO m’ont aidé à trouver l’axe de mon travail d’éditeur.

Parallèlement à ce travail sur les oiseaux d’Europe, j’ai fait des expéditions dans le monde entier, pendant 50 ans, jusqu’en 2006, pour enregistrer les différentes faunes de notre chère planète. J’ai été dans presque toutes les régions du monde, sauf : URSS, Japon et Alaska.

Mes collègues du monde entier m’ont accueilli chez eux, me faisant découvrir les bons endroits où aller enregistrer - richesse de la faune, et minimum d’activités industrielles et de trafic routier, ou encore, m’indiquant une espèce rarissime, dans un lieu tenu secret. Qu’ils soient ici vivement remerciés !

J’ai toujours eu un très grand intérêt pour la musique des oiseaux.

Les bons chanteurs ne représentent même pas 10% des espèces, et celles qui sont vraiment des virtuoses, sont encore plus rares. Certains mâles sont capables d’avoir un chant complexe, varié, avec toutes sortes de mélodies, de rythmes et de timbres contrastés, et leur chant peut être personnel, unique au monde !

C’est le cas de certaines Grives, Merles, Alouettes, Fauvettes, ou des Troglodytes sud-américains, qui chantent à 2 voix, parfaitement synchronisées. Ils peuvent aussi imiter les chants d’autres espèces, ou toutes sortes de sons, à la perfection !

Lorsque je tombais sur un tel virtuose, je l’enregistrais aussi longtemps que possible, parfois des heures durant. C’était plus, pour moi, qu’un spécimen de telle ou telle espèce. C’était une rencontre unique, avec un merveilleux musicien ! Un des plus beaux moments de ma vie ! Ce qui explique que ma sonothèque se caractérise par des prises de sons parfois longues, consacrées au chant d’un seul individu.

Je suis heureux que mes 50 années d’enregistrement d’oiseaux, mais aussi d’insectes, de mammifères et d’amphibiens, tout autour de notre chère planète GaÏa, se trouve maintenant dans les archives du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris *, où ils seront parfaitement conservés, et pourront être mis la disposition de scientifiques, enseignants, éducateurs, écologistes, musiciens, et de toutes autres personnes passionnées par le sujet.

Les Combes, le 15 avril 2020

Jean Roché

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