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Apport de la bioacoustique en systématique des gobemouches du genre Muscicapa

Un article récent consacré aux vocalisations des gobemouches du genre Muscicapa en contexte insulaire (Corse) et sur le continent confirme la pertinence du traitement taxonomique préconisé par des chercheurs en génétique moléculaire du MNHN. Incidemment, cette découverte est aussi celle d’un possible record en termes d’utilisation des hautes fréquences par un oiseau chanteur.

C’est sur la base de différences morphologiques assez minimes que des sous-espèces ont été reconnues chez le gobemouche gris Muscicapa striata. Récemment, des chercheurs du MNHN ont eu la surprise de constater une forte divergence génétique entre la sous-espèce insulaire de Corse et de Sardaigne (tyrrhenica) et celle qui vit dans la majeure partie de l’Europe (striata), devant conduire à les considérer comme deux espèces distinctes. Toutefois, certaines autorités taxonomiques qui avaient connaissance de cette étude ont préféré s’en tenir au traitement systématique traditionnel, faisant remarquer qu’il était essentiel d’analyser un faisceau de caractères et que des études complémentaires en bioacoustique leur semblaient nécessaires. En effet, si les vocalisations du Gobemouche gris Muscicapa striata sont connues et étudiées de longue date sur le continent, il n’en était pas de même de celles des formes insulaires.

L’auteur s’est rendu en Corse en mai 2017 et a pu étudier en détail les vocalisations de Muscicapa striata tyrrhenica. Sur chacun des trois sites d’étude, tous les types de vocalisations ont pu être enregistrés et comparés à leur équivalent chez les oiseaux continentaux. Les cris d'alarme semblent identiques, mais les chants, et particulièrement les chants nuptiaux, diffèrent de façon marquée, avec des fréquences maximales atteignant 18 kHz chez tous les tyrrhenica étudiés (>20 kHz si les harmoniques sont incluses). En outre, la structure de ces chants nuptiaux est également complètement différente, les enregistrements de Corse se caractérisant par de multiples sons chutant brusquement. Dans certains cas, les sons descendent de quelques kHz, mais parfois ils couvrent une octave entière. En comparaison, les fréquences émises par striata ne dépassent généralement pas 12 kHz. Ces différences peuvent constituer une barrière d'isolement qui réduit ou empêche les flux de gènes entre les populations.

 

Implications taxonomiques

Ces résultats sont susceptibles d’être pris en compte en taxonomie pour confirmer l’élévation au rang d’espèce de tyrrhenica, qui n’est pas encore admise par l’ensemble de la communauté scientifique.

 

Implications bioacoustiques

Incidemment, cette découverte est aussi celle d’un possible record en termes d’utilisation des hautes fréquences par un oiseau chanteur. Les sons brefs et suraigus émis par tyrrhenica flirtent avec le domaine de l’ultrasonique. Il s’agit probablement de la plus haute fréquence jamais documentée dans le chant d’un passereau. Ces sons échappent en grande partie à l’oreille humaine et nécessitent d’être écoutés à vitesse réduite ou visualisés sur sonagrammes. Il semble utile de rappeler ici la réponse apportée par un biologiste américain à la question posée par un internaute « Which birds have the highest frequency birdsongs? » : "Good question,  and I don't have a definitive answer for you. I do know,  though that many birds, even very common ones whose songs we think we know well, often have components of their songs that are too high frequency to be heard by humans. So the bird song with the highest frequency is most likely one no human has ever heard." Il semble que cela s'applique assez bien au chant des gobemouches de Corse, passé inaperçu jusqu'à maintenant et dont les fréquences les plus hautes n'ont pas dû être entendues par beaucoup de monde, d'autant plus que les sons sont très brefs, peu sonores et chutant rapidement en fréquence.

Références

Comolet-Tirman, (J.) 2017. – Les vocalisations du Gobemouche gris  Muscicapa striata tyrrhenica en Corse : perspectives pour les décisions relatives à son statut taxonomique.  Alauda 85(4): 295-306.

https://www.quora.com/Which-birds-have-the-highest-frequency-birdsongs

 

Sons: MNHN-SO-2017-109 à 2017-113 et 2017-121 à 2017-123 (Corse)

Sons: MNHN-SO-2017-131 à 2017-134 (Bassin Parisien, à titre de comparaison)

 

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